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1920 – Les dérives des années 1920

mardi 20 août 2019 par Jean-Luc

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https://www.aslagnyrugby.net/1920-Les-derives-du-rugby-francais.html

 

Dès la fin du 19e siècle, la popularité du rugby gagne rapidement toute la France. Ce ne sont plus seulement

Paris avec les étudiants et les grands lycées parisiens qui alimentent les clubs et le vivier des joueurs mais aussi les grandes villes de province (Bordeaux, Lyon, Toulouse…) puis très vite les villes moyennes du sud qui voient naître des places fortes du rugby régional.

Les idéaux tout britanniques de fair-play, d’amour désintéressé du jeu qui fondent l’amateurisme se heurtent aux passions régionales, aux rivalités de clochers dans des territoires encore largement agricoles et maillés de petites entreprises locales.

L’argent entre dans la danse durant les 20 années qui suivent la Grande Guerre, entraînant la rupture des relations avec les Britanniques (1931), la naissance d’un code rival (1934), puis enfin la disparition du championnat (1939).

Une synthèse édifiante parue sur le site surlatouche.fr nous détaille cette période trouble.

Voir ensuite un article paru dans L’Équipe en 2013 sur le cas de l’Union Sportive de Quillan dans l’Aude (chère à notre copain Titou Vaysse) avec Jean Bourrel, industriel, qui monta dans les années 20 << la première équipe professionnelle du monde » comme le rappelle Christian Maugard, le président de l’USQ.

L’amateurisme marron dans le rugby français (1912-1939)

surlatouche.fr

 

La question de l’amateurisme marron s’est posée très tôt dans le rugby français, dès avant la Première Guerre Mondiale. L’incapacité de la fédération à arrêter un choix entre respect du dogme amateur et réalités du rugby français entraînera à la fois la rupture des relations avec les Britanniques (1931), la naissance d’un code rival (1934), puis enfin la disparition du championnat (1939).

Les premiers soubresauts

Avant tout allait bien. L’Union Sportive Française des Sports athlétiques (USFSA) fondée en 1887 par le Racing Club de France et le Stade Français gère le rugby de la même manière qu’elle gère presque l’ensemble du sport en France, aux idéaux britanniques du sportsman désintéressé. L’USFSA fait de la défense de l’amateurisme un dogme. La question de l’argent ne se pose d’ailleurs pas encore.

Jeu des étudiants et des grands lycées parisiens, le football USFSA rugby imprègne leurs pairs de province (Stade Bordelais, Stade Toulousain, Lyon OU) à la fin du siècle, puis les villes moyennes du Sud-Ouest (Bayonne, Perpignan, etc.). Les premiers scandales ne tardent pas.

Durant l’année 1912, une première affaire secoue le rugby français. L’ancien international Vareilles est accusé par son ancien club, le Stade Français, d’avoir demandé quelques mensualités pour jouer sous ses couleurs. C’est le club qui se charge d’avertir l’USFSA. Le joueur sera classé comme professionnel et radié de l’Union en décembre 1912 1. Déjà, la province accepte avec difficulté les décisions fédérales. Le Comité du Littoral décide de ne pas suivre l’USFSA, ce qui entraîne sa dissolution. L’affaire finit par se régler à l’amiable.

Réf: L’Ouest Éclair 12 décembre 1912

 

Cette première histoire étouffée, une seconde éclate:

L’Affaire de la Petite Annonce.

Fin 1912, une annonce parue dans un journal de Glasgow, The Scottish Referee, propose un poste d’équipier dans un grand club de Bordeaux contre la promesse d’une belle situation. Cette petite annonce provoque la colère de la Scottish Rugby Union qui interdit à ses clubs de rencontrer le club incriminé (le Stade Bordelais) et prévient la France qu’elle mettra un terme aux relations des deux pays si le moindre joueur du club était sélectionné.

Deux membres anglophones de l’USFSA (Cyril Rutherford et Allan Muhr) sont envoyés à Édimbourg pour plaider la cause du club et de la fédération. Sans grand succès. L’affaire ne prend fin qu’après la radiation du bureau du Stade Bordelais, ainsi que le départ de l’entraîneur – britannique – du club. Quelques semaines plus tard, les Écossais prendront excuse des heurts qui accompagnent le France-Ecosse du tournoi 1913. pour rompre les relations entre les deux pays. Si l’affaire de la petite annonce n’est pas citée, on peut aisément imaginer qu’elle a jouée un rôle dans cette décision.

En parallèle à l’histoire de la petite annonce, le RC Narbonne dépose une réclamation contre l’AS Perpignan pour faits de professionnalisme. Le président et le secrétaire catalans sont radiés. Les affaires deviennent de plus en plus nombreuses. L’USFSA croit y apporter une solution en créant une nouvelle licence pour les étrangers qui doit permettre d’exclure ceux venus pour monnayer leur talent de rugbyman. Roe (Bayonne), Potter (Pau), Percy Bush (Nantes), Hayward (Tarbes) sont radiés. On aura visiblement compris que ces Britanniques n’étaient pas venus uniquement en France pour << apprendre le Français ». Les Comités régionaux grondent, promettent de ne pas respecter les décisions fédérales, sonnent la révolution…. un temps… puis finissent par céder une nouvelle fois.

La Guerre arrive, elle met pour l’heure un étau sur les problèmes. En 1919, la Fédération Française de Rugby prend le relais de l’USFSA. L’ancien international Jean Caujolle (Bordeaux) est le premier radié pour fait de professionnalisme par le nouveau-né.

Avec la fin du conflit, le rugby français jouit d’une nouvelle popularité, ses effectifs passent de 241 clubs en 1919 à 881 à son plus haut en 1923. La croissance est particulièrement marqué dans le midi. Le comité des Pyrénées passe en 4 ans de 39 à 159 sociétés, celui du Languedoc de 13 à 106. Le Périgord-Agenais voit ses effectifs multipliés par 6, passant à 95 clubs. Ici, le rugby irrigue jusqu’au plus petit chef lieu de canton. Avec cette démocratisation, le rugby change de nature. Dans ce sud encore largement agricole et maillé de petites entreprise, le rugby n’y est pas l’affaire exclusive d’une classe sociale qui se donne au sport par simple amour du jeu. Il devient chose publique, enjeu des passions locales et des rivalités ancestrales et se fait fi aussi bien des clivages sociaux que des réserves morales de ces instaurateurs.

Le respect de l’amateurisme y est une préoccupation accessoire. L’argent circule à la vue de tous ceux qui veulent bien le voir.

L’opposition empêchée

 

La question de l’amateurisme marron dans le rugby prend une dimension nationale lorsqu’en février 1922 Gaston Vidal, Sous Secrétaire d’Etat à l’enseignement technique, déclare << Le sport tombe et dégénère vraiment trop en spectacle »>, rajoutant << on ne fera pas croire que les gens qui jouent un dimanche à Perpignan, l’autre à Chartres ou à Saint-Claude exercent un véritable métier en dehors du sport ».

Sans doute plus soucieuse de défendre les apparences que de lutter contre L’amateurisme marron, la FFR décide de radier l’impoli qui est également délégué pour la Fédération du Comité d’Armagnac-Bigorre.

Quelques mois plus tard, Mr Gaston Vidal est pourtant réinstauré. Mieux, le diffamateur d’hier est nommé président de la nouvelle commission d’amateurisme et des licences mise en place en septembre 1922. Cette commission doit veiller à interdire toute forme de << manque à gagner » ou de racolage et réglementer les frais de voyages. Pour Gaston Vidal lutter contre l’amateurisme marron, le << professionnalisme honteux >> répond à une quadruple nécessité : « morale, sportive, financière et sociale ».

Une des première décision de cette commission est de suspendre AS Montferrand pour la saison 1922-1923, et de radier une partie de ses dirigeants et plusieurs joueurs. D’une manière générale, les clubs corporatistes (ou anciennement corporatistes) sont dans l’œil du cyclone.

Les épurateurs en culotte courte s’intéressent également aux sociétés immobilières

constituées à côté des clubs pour l’acquisition de terrain ou la construction de stade. On fait

notamment référence à l’une de ces sociétés appartenant à un club parisien et qui aurait prêté 30.000 francs à un joueur pour qu’il puisse ouvrir un fond de commerce.

Mais c’est surtout sur le terrain du racolage que la Commission souhaite frapper fort. Si certains craignent l’apparition d’un << Comité de Salut public >> qui régnerait sans partage, ils sont vite rassurés. Les dizaines de noms qui sont jetés en pâture dans la presse à chaque intersaison sont presque systématiquement réintégrés, parfois au cours même de la saison, sans que jamais la commission ne justifie ses choix.

Cette inconstance dans les décisions nourrit toute sorte de spéculation. On accuse Le Comité de manquer d’objectivité, de faire preuve de mansuétude envers certains grands clubs bien placés. La commission peut également faire office de bureau des dénonciations. Le FC Lourdais accuse ainsi l’un de ses joueurs internationaux récemment parti en Normandie d’avoir << signé » pour le club normand contre 40 000 francs.

Malgré un nouveau règlement drastique voté à l’intersaison 1924 (tous les joueurs mutés sans exception doivent désormais faire une demande de mutation devant la Commission), le rugby français semble incapable de régler de manière définitive Le problème du racolage et du professionnalisme. On accuse également – pas sans raison – la Commission de plonger ses fourches dans les affaires privées de personnes dont le seul tort est de jouer au rugby. Seuls quelques rares clubs amateurs heureux de voir l’hémorragie de ses effectifs atténuée la soutiennent encore.

La Fédération, elle même, se fait critique: << vous avez réservé vos rigueur à quelques joueurs parce qu’ils furent plus maladroits que d’autres, mais moins coupables ». Peu après ce désaveu, l’ensemble des membres de la Commission démissionnent. De nouveaux membres sont choisis parmi ceux « n’ayant aucune attache directe avec un club ou un comité ». L’amnistie des anciens condamnés est également votée.

A l’intersaison 1926, la Commission est finalement dissoute. Amère, son ancien président Gaston Vidal accuse << une conspiration du silence et de la dissimulation organisée autour et contre la Commission ». Pour aussi critiquée qu’elle avait été, La Commission avait servi de garde-fou contre un professionnalisme trop ouvert. Désormais : << tout joueurs pourra changer de club pendant toute l’année sans délai en cas d’avis favorable des deux clubs >>

 

A suivre partie 2/3