Article issu du journal anglais « The Telegraph » en 2007, au sujet des problèmes du rugby français sur la fin des années 1920 et début 1930.
Les Français ont adoré le jeu à mort,
Les exploits, bien que défaits, de la Géorgie et des Tonga contre l’Irlande et l’Afrique du Sud respectivement, lors de cette Coupe du monde, ont suscité de nombreux
débats alimentés par le vin dans ces régions quant à la plus grande surprise du rugby.
L’exploit du village de Quillan ou de l’US (Union Sportive) Quillan Haute Vallée, comme ils préféraient s’appeler, en remportant le Championnat de France en 1929 est revenu régulièrement sur le tapis, pour être ensuite écarté par votre correspondant pour des raisons qui, je l’espère, deviendront claires.
Il s’agit cependant d’une histoire si agréablement française et si illustrative de l’histoire du rugby français et de la tradition qui perdure que nous ne pouvons pas nous aventurer plus loin dans cette Coupe du monde sans l’approfondir. Soyez prévenus, elle est parfois classée X, vous devrez peut-être vous verser un verre fort avant sa conclusion.
Le rugby français des années 1920 était le Far West, une époque où votre carrière de joueur était désagréable, brutale et courte. Certains imputent les horreurs de la Première Guerre mondiale qui hantaient encore la France et l’atmosphère à la violence physique et à la douleur qui y régnaient ; D’autres insistent sur le fait que c’était la nécessité pour les régions locales de proclamer leur identité. Quoi qu’il en soit, au moins deux joueurs de premier plan ont été tués par des actes de violence sur le terrain de jeu pendant cette période et il y a eu d’autres décès au niveau junior.
Le quasi-professionnalisme était endémique, les joueurs clés étaient débauchés ou achetés à d’autres clubs puis mis sous contrat, les primes de victoire étaient la norme, les pots-de-vin étaient courants, les matchs étaient volcaniquement sales et de nombreux arbitres vivaient dans la peur pour leur vie lorsqu’ils rendaient une décision contre l’équipe locale. Et on se demandait d’où venait la tradition de l’équipe visiteuse qui perd toujours en France.
Un arbitre, le célèbre Georges Coulom de Limoges, ne faisait pas confiance à la police locale pour l’escorter en toute sécurité hors du terrain et a dressé un bouledogue imposant et spectaculairement vicieux – Gamine de son nom – pour monter la garde sur la ligne de touche tout au long du match et répondre à chacun de ses appels si les joueurs locaux ou leurs fans devenaient menaçants. Les gros mastodontes du rugby peuvent être de véritables lâches lorsqu’ils sont confrontés à des canines qui grincent des dents. L’élément « Far West » était renforcé par des personnages plus grands que nature, comme l’entraîneur de Lézignan et ancien international français Jean Sebedio, surnommé « Sultan » en raison de son service militaire en Syrie et, entre 1913 et 1923, le premier international ouvrier français.
L’historien du rugby français Philip Dine a commenté : « Il cultivait son personnage en s’asseyant au milieu du terrain avec un long fouet et un large sombrero, faisant courir ses joueurs autour de lui comme des chevaux de cirque », tandis qu’il équipait la salle des arbitres d’un squelette avec un cigare serré entre ses mâchoires, expliquant qu’il était « juste le dernier arbitre à avoir accordé une pénalité contre Lézignan ». C’est dans ce maelström que Jean Bourrel, un fan de rugby mais avant tout un homme d’affaires impitoyablement ambitieux dont le seul but dans la vie était de promouvoir son entreprise de fabrication de chapeaux à Quillan, s’est fait remarquer. Dans un modeste petit village de 3000 âmes, à mi-chemin entre Carcassonne et Perpignan, il commença à racheter tous les meilleurs joueurs des bastions du rugby et à les récompenser généreusement pour leurs efforts. C’était un scandale, mais la Fédération française était impuissante et restait impuissante. Ou peut-être, comme certains l’ont suggéré, ils étaient aussi à la solde de Bourrel.
Petit à petit, le village, le club et, plus important encore, son entreprise, firent leur marque. Ils étaient en marche et atteignirent en 1928 la finale du Championnat de France à Toulouse, pour seulement perdre 6-4 contre Pau. La saison suivante, ils gagnèrent la finale 11-8 contre Lezignan de Sebedio – une ville voisine qui avait également beaucoup dépensé – une défaite qui déstabilisa tellement un joueur de Lezignan qu’il se suicida après le match.
– Le talonneur de Quillan, Gaston Rivière, décéda des suites de ses blessures.
Quillan, qui a disputé une finale de plus en 1930 avant l’éclatement de la bulle, n’était probablement pas pire que de nombreux autres clubs français dans la promotion du « shamateurisme », mais l’improbabilité pure et simple d’une équipe de village apparaissant dans trois championnats de France consécutifs en a fait une cause célèbre et ensuite tout simplement l’ennemi public n°1.
La publicité autour de Quillan avait attiré l’attention des seigneurs et maîtres du jeu au sein du comité des Home Unions, qui avaient une vision nettement négative et ont conduit, finalement, aux événements infâmes de 1931 lorsque l’équipe nationale française, après avoir battu l’Angleterre 14-13 à Paris, a été bannie du tournoi des Cinq Nations, en fait jusqu’après la Seconde Guerre mondiale.
Dans les livres de rugby français, on parle simplement de « la rupture du 31 » – comme s’il s’agissait d’une chronique d’une blessure du Jonny Wilkinson de l’époque – mais son effet fut dévastateur, le nombre de clubs en France passant de 784 en 1930 à 473 en 1939. Dans sa quête de gloire à court terme, l’US Quillan avait gagné
La violence tout au long de cette période était écœurante. Lors d’un autre match contre Perpignan – dont au moins six des meilleurs joueurs de Quillan avaient été attirés -, seule l’infamie.
Brendan Gallagher le 26 sept 2007